La croix de Lorraine

 

 

Les politiciens de tout poil ne louperaient ça pour rien au monde.

Le 9 novembre, il est de bon ton d'aller se recueillir sur la tombe de celui qui a redonné vie à la croix de Lorraine, symbole de la reconquête des "marches de Lorraine".

Je ne vais pas me demander ce que penserait ce grand homme de la récupération que font certains hommes politiques de cet héritage héraldique que la Maison d'Anjou dans les années 1400 arborait fièrement dans son blason et que le bon roi René, duc d'Anjou, comte de Provence, vainqueur du sinistre Antoine de Vaudémont immortalisa sur ces terres de l'Est avant de s'installer pour une retraite bien méritée au soleil de Provence.

Il paraît que la croix de Lorraine qui domine le paysage de Colombey-les- Deux-Eglises du haut de ses quarante mètres de granit rose est en mauvais état; de bonnes âmes lancent une souscription pour sa consolidation; tous les dons sont les bienvenus, ont-ils annoncé au journal télévisé.

La mienne, celle qui défigurait mon paysage familier d'adolescent, posée juste derrière le monument de la Résistance sur le vaste plateau du Champ-le-Boeuf était une structure métallique montée à la hâte par les "Gaullistes" des années soixante qui croyaient sans doute conjurer le péril révolutionnaire.

La structure métallique avait été recouverte de plastique jaune ondulé que l'on utilise habituellement pour les toits des poulaillers.

Ce triste édifice censée symboliser le combat pour la Liberté ne résista pas au temps et fut démontée une quinzaine d'années plus tard en même temps que s'élevaient les tours d'habitation sur ce qui avait été mon territoire de jeux, rebaptisé ZAC du champ-le-Boeuf.

Lorsque j'étais gamin, je me foutais pas mal du Général de Gaulle. Quelques années plus tard, adolescent ivre de liberté dans ces années qui incarnent encore ce que le grand homme avait qualifié de "chienlit", le gaullisme incarnait pour moi une vision archaïque et rétrograde de la société.

Je ne faisais pas grand cas de sa posture historique face à la France de Vichy. Je dois avouer que le gamin qui pédalait avec enthousiasme sur son petit vélo certains dimanches matin en direction de la musique militaire qui explosait autour du Monument de la Résistance, n'avait d'autre but que voir de près les soldats aux uniformes rutilants, en particulier les américains aux casques chromés venus de leur camp tout proche avec leur matériel de guerre qui le faisait rêver, rêve qu'il poursuivrait à l'approche de Noël devant le "Paradis des Enfants" temple du jouet de la rue des Doms dans la vitrine duquel trônaient les répliques militaires "dinky-toys" dont il espérait qu'un de ces engins se retrouverait au pied du sapin.